L’année 2013 commençait sur les chapeaux de roues pour Lady Olsan.
Elle était encore la tête dans les embrassades de bonne année,
que déjà elle se voyait,
des cartons plein les bras
signer son dernier jour de CDD.
Jeune fille brillante et déterminée
elle ne se laisserait pas aller à un chômage facile et réducteur.
C’est donc le pas vindicatif et l’esprit libre,
qu’elle entreprit de retrouver un nouveau job
en ce délicieux premier mardi de janvier.
La neige tombait lentement sur le sol,
le laissant figé et recouvert d’un voile blanc.
Persévérance et audace réussirent,
dés le premier jour,
à aider Lady Olsan à décrocher son premier entretien.
Le rdv était pris une semaine plus tard
dans un des plus prestigieux cabinet d’avocats de la ville.
Elle jubilait d’être si chanceuse.
La semaine qui la séparait de la date fatidique
lui permit de rafraichir son CV et de mettre au point
une sorte de cahier de bord professionnel
dans lequel elle relatait ses nombreuses expériences,
ses échecs,
ses réussites,
ses envies…. Etc.
De quoi ravir le DRH qui,
en le parcourant,
pourrait se faire directement une idée sur sa personnalité.
Elle peaufina sa tenue,
passa chez le coiffeur,
vernit ses ongles,
rougit ses lèvres
et se présenta,
rayonnante,
à l’entretien.
Pas de stress,
pas d’angoisse.
Lady Olsan était parfaite.
C’est donc sereine et ravie qu’elle partit siroter un cappuccino
directement après la rencontre.
Le soir même elle dinait en tête à tête avec son nouveau fiancé,
Louis-Arnaud,
et cette idée mêlée à celle d’avoir réussi l’entretien
la maintenait dans une sorte d’euphorie
bien éloignée de la dépression qui l’empoignait d’habitude.
20h30 sur les marches de l’Opéra,
c’était leur point de rendez vous,
depuis quatre mois qu’ils se fréquentaient.
Lady Olsan était en avance,
Louis-Arnaud pile à l’heure.
Le diner fut exquis,
la nuit qui s’ensuivit également,
et pour clore cette douce parenthèse,
le jeune homme offrit des billets d'avion à sa belle
pour un départ dans les Maldives prévu dans trois semaines.
Rêve
et bonheur
s’emparèrent de la jeune femme.
Durant l’entretien,
on avait demandé à Lady Olsan de réaliser un dossier type
dans lequel elle se mettrait en situation de défendre un violeur pédophile,
ce qui lui permit de prendre rapidement conscience que ce poste qu’elle convoitait
impliquerait de sa part une perte totale de ses valeurs et un
dévouement absolu pour son cabinet.
Le thème de ce dossier commença à la faire descendre de son nuage et à se demander
ce qu’elle souhaitait vraiment,
au plus profond d’elle même .
Se vanter d’avoir eu l’un des postes les plus convoités de son domaine ?
Ou vivre heureuse dans un havre de paix qui ne la ferait
pas forcément se hisser sur un piédestal aux yeux des autres ?
Paniquée et anxieuse,
elle stoppa là net ses pensées agonisantes et se mit à plancher sur son dossier.
6 jours non stop de travail ;
de recherches,
de vérifications,
de défenses,
d’inventions de preuves,
de contre-preuves,
de faux témoignages,
elle s’imaginait des témoins-clés
et autres stratagèmes pour faire gagner son client à tout prix.
Ses efforts payèrent,
tant et si bien que le lendemain de sa présentation,
elle pouvait passer à la deuxième étape.
A présent on lui demandait d’assister à un procès
et d’en disséquer les moindres mots,
gestes
et mimiques des protagonistes.
Elle s’exécuta.
arriva au procès très tôt,
le suivit de façon si intense qu’elle en oublia de se sustenter.
Puis,
elle passa une nuit et une journée entière à écrire son compte rendu
et finit par le rendre,
totalement éteinte de tant d’efforts.
Et encore une fois,
quelques jours plus tard,
elle apprit qu’elle avait passé un nouvel échelon des entretiens.
Mais elle n’était pas au bout de ses surprises.
Le soir où les recruteurs lui annoncèrent,
par une réponse positive,
que son étude de procès leur avait plu,
Lady Olsan se vit encore distribuer bon nombre d’épreuves
déterminées à prouver son aptitude pour le poste.
Entre deux échanges ils s’assuraient toujours de sa motivation
tant pour le fait que ce soit un CDD de 5 mois
que sur le fait qu’elle ne soit payée qu’au SMIC.
Lady Olsan par goût du challenge,
acquiesçait et continuait,
la tête haute,
à relever les défis.
Deux mois plus tard,
quelque peu lassée et terriblement
fatiguée tant physiquement que sur les nerfs,
Lady Olsan put enfin atteindre le dernier point du recrutement.
Elle se présenta donc au cabinet,
dans la même tenue que le premier jour,
avec le même rouge à lèvres
et le même vernis.
Et pourtant,
deux mois après,
tout paraissait comme vieillit de 10 années.
La jeune femme semblait comme voletante,
ses vêtements et son maquillage quand à eux
avaient perdu tout l’éclat de leurs couleurs.
Puisant dans ses dernières ressources naturelles,
Lady Olsan trouva la force de suivre l’avocat qui la
conduisit dans une salle où une trentaine de personnes,
toutes aussi éteintes qu’elle,
se tenait debout,
blancs comme des morts.
Au premier coup d’œil,
on aurait pu croire à une sorte de bizutage.
En effet,
Lady Olsan comprit rapidement le but de cette dernière
et ultime épreuve ;
il s’agissait de vérifier la ténacité et la répartie des postulants
en les déstabilisants par des insultes et des bassesses gratuites.
Les avocats s’en donnaient à cœur joie
et ne laissaient pas le remord les censurer.
Lady Olsan passa tout l’entretien à penser à Louis-Arnaud,
ce qui lui donna une force phénoménale et l’inspira dans
sa défense.
Le soir,
en rentrant,
elle tomba net sur son lit et s’endormit d’un sommeil profond.
Deux mois qu’elle se tuait à la tâche pour avoir ce foutu job,
deux mois qu’elle ne pensait plus qu’à cela,
qu’elle ne respirait que par cela.
Deux mois qu’elle ne mangeait pratiquement plus,
angoissée dans l’attente des coups de fils.
Bien heureusement,
dans trois jours elle filerait main dans la main
avec l’homme de sa vie pour deux semaines de repos.
Le lendemain,
quelque peu groggy de sa longue nuit de sommeil,
Lady Olsan reçut un coup de téléphone.
C’était le cabinet,
ils avaient retenu sa candidature,
elle pouvait commencer dés la semaine prochaine.
A cette annonce,
son cerveau fit comme une pause.
Le blanc.
Comme la neige qui tombait,
il y a de cela deux mois,
sur son visage.
Son cerveau venait de bloquer.
En deux secondes et demie elle avait tant été partagée entre ses sentiments ;
celui d’avoir réussi,
celui de fatigue qui la laissait vide,
mais surtout celui de devoir choisir entre son voyage
et son nouveau projet.
Choisir entre son cœur ou sa raison,
le dilemme absolu.
S’en était trop pour Lady Olsan,
son cerveau se bloqua et la laissa sans voix,
sans vie,
seule dans son salon le téléphone à l’oreille.
Deux jours plus tard,
Louis-Arnaud la retrouva dans la même position,
le regard vide et le visage pâle.
Le cabinet n’avait pas attendu longtemps,
après quelques « Allo » sans réponse
il s’était empressé d’appeler le candidat suivant sur la liste des retenus
sans se préoccuper du sort de Lady Olsan.
Aujourd’hui,
4 ans après,
Lady Olsan est placée en hôpital psychiatrique.
Elle ne parle toujours pas,
elle bouge à peine,
se nourrit par intraveineuse
et ne supporte plus ni la vue d’un avion,
ni celle d’une cravate.